Pierre Poujade
Juillet 1953. Sud-Ouest de la Métropole. À Saint-Céré, une petite commune du Lot (46), des commerçants décident de soutenir l'un des leur qui s'apprête à faire l'objet d'un contrôle du FISC. Un homme, un libraire, dénommé Pierre Poujade va prendre la tête de ce mouvement.
Poujade part, à l'été 53, sillonner le Lot, de places en bistrots, il tente de convaincre le plus grand nombre de rejoindre le mouvement. Il fonde l'UDCA (Union de Défense des Commerçants et Artisans). Le mouvement n'hésite pas à intimider les agents de l'État chargés des contrôles fiscaux pour les faire plier. D'abord concentré dans le Lot, l'UDCA grignote du terrain, il s'étend dans tout le sud-ouest puis dans l'essentiel de l'Hexagone.
En Juin 1954, Mendès-France est nommé, par Coty, Président du Conseil, équivalent au Premier Ministre. Dans le gouvernement de Mendès-France, on retrouve François Mitterrand à l'intérieur qui doit gérer le cas Poujade. Le nouveau ministre de l'intérieur promulgue une loi qui prévoit d'envoyer en prison tout individu s'opposant à un contrôle fiscal ou refusant de payer sa part d'impôt. Poujade s'attaque principalement à Mendès-France dont il nie la francité au prétexte antisémite que le socialiste est juif. Poujade reprend l'argumentaire vichyste.
1955. Poujade organise un meeting dans la capitale. Un déferlement de poujadistes issus de toute la France arrive sur Paris pour venir soutenir leur héros. Ils sont des milliers à s'être rendu à Paris. Lors de son discours, Poujade exhorte ses partisans à faire la grève de l'impôt. Son coup de force est réussi, il a rassemblé ses soutiens et marqué les esprits. Poujade passe à l'offensive et tient un discours anti-parlementariste et sa base de soutien n'est donc plus seulement la corporation des commerçants et artisans mais s'étend aux déçus du parlementarisme politique de la IV République.
À l'été de cette même année 1955, Poujade se rend dans plusieurs villes de France et constate sa notoriété grandissante. Il tient des discours dans des salles combles, aux 4 coins du pays. Poujade se voit lui-même comme celui qui parle aux gens de leurs problèmes car il vit le même quotidien qu'eux et prétend ne pas être déconnecté des réalités.
Poujade se définit comme l'opposant au système et entend le combattre. Pour cela, il appelle à convoquer les États-Généraux et à redonner la voix au peuple, pour qu'il soit entendu.
Le 2 Décembre de année 1955. Faure, Président du conseil, depuis seulement 11 mois, dissout l'Assemblée Nationale. Un mois, c'est le temps qu'ont les partis politiques pour mettre en place leur campagne pour les élections législatives. Poujade prépare son camp et son programme, il ne se porte pas personnellement candidat mais investit de nombreux candidats pour tenter de jouer un rôle politique essentiel dans le pays. Comme à son habitude, Poujade tient un discours provocateur et radical promettant la corde à ceux qui ne respecteront pas le résultat des urnes et à ses candidats s'ils venaient à ne pas tenir leur promesse électorale et donc à trahir la ligne du parti. De plus, les militants poujadistes utilisent la force pour intimider les adversaires politiques, ils se rendent à des meetings et font usage de leurs poings.
Alors que Mitterrand, candidat dans la Nièvre, tient un meeting de campagne, il est pris à partit par Poujade lui-même qui tente de l'intimider. Dans la presse, Mitterrand prédira que Poujade finira par être écarté par son État-major et que dans son entourage un homme sortira de l'ombre et représentera un danger pour la République.
Dans le département de la Seine, le leader de la jeunesse poujadiste, un certain Le Pen est candidat. Il revient d'Indochine où il était engagé volontaire. Ce jeune politicien tient un discours profondément nationaliste et antisémite, l'antisémitisme de Poujade est ce qui l'a poussé à rejoindre le mouvement.
Janvier 1956. Le Pen fait partie des 52 candidats poujadistes à être élu et à faire leur entrée au parlement. C'est une énorme surprise, y compris au sein du mouvement. Le Pen prend la tête du parti au sein de l'hémicycle. Mollet devient le nouveau Président du Conseil.
En France, des mouvements citoyens appelle à boycotter les commerces tenu par des poujadistes, qualifiés de fascistes par une large partie de l'opinion publique. Le Parti Communiste Français appelle à se mobiliser contre le poujadisme qu'il qualifie de vichystes. Dans l'hémicycle, les poujadistes peinent à trouver leur place, ils ne proposent rien et ne savent pas quels textes de lois voter ou non. La presse nationale souligne le vide politique de ce mouvement et ne mâche pas ses mots concernant Poujade. Ce mouvement contestataire, réactionnaire, nationaliste est perdu dans le lieu du pouvoir qu'est l'Assemblée Nationale et les leaders du mouvement, Poujade en tête ne savent pas où mener leur partisans.
La guerre d'Algérie est le dossier majeur de la IV République. La France s'embourbe dans une guerre coloniale, luttant contre les velléités d'indépendance d'un peuple mené par le FLN. Poujade est un indéfectible défenseur de l'Algérie française, il accuse les politiciens d'abandonner et de céder le territoire français. Certains de ses militants pieds-noirs attaqueront Mollet, lors de sa première visite officielle en Algérie. Les poujadistes ont encore du mal à digérer la défaite française en Indochine.
1957. Poujade commence à être discuté au sein de son mouvement et le nombre d'adhérents est quasiment divisé par deux. Beaucoup lui reproche des positions trop droitières. Alors qu'il organise un mouvement de protestation contre les vignettes automobiles, ça se solde par un échec, peu de militants répondent présent.
1958. Le président de la République, René Coty, nomme De Gaulle président du conseil. Dès son arrivée, De Gaulle élabore la constitution de la Vème République qui sera validée par référendum. En fin d'année 1958, des élections présidentielles sont organisées, René Coty démissionne. De Gaulle est élu avec 78% des votes et devient président de la République.
Quand De Gaulle est nommé président du conseil, Poujade espère un gouvernement, il n'en est rien, ce qui le vexe. Derrière, il appelle à voter NON au référendum. Alors que sentant la IV République vaciller, Poujade, lors d'un entretien avec le général, lui avait confirmé son soutient et la nécessité de changer de régime politique.
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