Famine en Irlande 1845-1852


Au total 1 irlandais sur 8 perdra la vie, soit un total d'un million de personnes et 2 millions quitteront leur terre natale. Ce sont les plus pauvres qui seront les plus touchés.

1845: Un parasite ravage les cultures de pommes de terres et plonge l'Europe dans la famine. La famine va coûter la vie a 100 000 européens, la Prusse, la Belgique sont particulièrement touchés. En Irlande, un tiers de la population dépend de la pomme de terre pour se nourrir, le pays sera touché durement par cette tragédie qui durera sept ans. 

L'empire colonial britannique est gargantuesque, il se place comme la plus grande puissance de l'époque. Suite à la révolution industrielle, les campagnes se sont vidées et les populations affluent dans les villes. La conséquence, l'un des plus graves problèmes sociaux de l'ère victorienne fait son apparition: la grande pauvreté. 

L'Irlande a été rattaché au Royaume-Uni en 1801. Une poignée de familles bourgeoises, fidèles à la couronne, possède 95% des terres irlandaises. Les récoltes sont principalement destinées à la Grande-Bretagne. 

1837: Quelques années avant la famine, 90 millions d'œufs produits en Irlande sont par la suite exportés en Grande Bretagne, ainsi que des céréales qui nourriront deux millions de Britanniques, sans oublier des poissons et de l'alcool. Durant les décennies 1830 et 1840, l'Irlande est un simple panier à provisions pour la Grande-Bretagne.
Le philosophe Karl Marx dira au sujet de la relation Irlande/Grande Bretagne: "L'Irlande est un district agricole de l'Angleterre qu'elle fournit en laine, céréales, bétail et en recrues pour son armée." 

À cette époque, en Irlande, le labourage des champs est encore manuel. De petits paysans louent ces terres à de riches propriétaires pour les exploiter. Une partie des récoltes sert à payer le loyer, le reste à se nourrir ainsi que sa famille, principalement des pommes de terre. La population irlandaise a connu un véritable boom démographique passant de 3 millions d'habitants en 1780 à 8 millions en 1841. Parmi cette population, 3 millions d'irlandais vivent dans des conditions rudimentaires. Les plus pauvres des irlandais vivent dans des habitations précaires, faîtes de boue, contenant une seule pièce, sans mobilier. 

Bien que la colonisation britannique a permis l'implantation de l'anglais, au sein des familles les plus précaires, ce qui représente un grand pourcentage de la population générale, la langue principale reste le gaélique, une langue celte. 

1841: Des rapports gouvernements s'inquiètent de la dépendance des irlandais, les plus précaires, à la pomme de terre et considère que leur mode de vie n'est pas durable. 

1845: Le mildiou, un parasite, découvert en Amérique du Sud remonte vers le Nord et lors de départs de navires marchands depuis New-York arrive en Europe. Le parasite détruit des récoltes en France, Belgique, Prusse et aux Pays-Bas, il détruit tout. Les gouvernement réagissent pour contre les ravages et anticiper une famine, ils suspendent l'activité brassicole et favorisent l'importation. En Irlande, le climat favorise la propagation du mildiou. Les paysans voient mourir, sous leurs yeux, leurs récoltes, leur seul moyen de se nourrir. Un tiers de la récolte irlandaise est ravagée. Un million d'Irlandais se retrouvent sans ressource alimentaire. Robert Peel, premier ministre britannique, soutient financièrement le peuple irlandais, mais il ne veut/peut pas aller trop loin. En effet, Peel ne veut pas se mettre à dos les libéraux britanniques. Ce sont les libéraux qui l'ont amené au pouvoir, il est un adepte des théories libérales de John Locke. Pour Peel, Locke et l'électorat libéral, chacun doit être capable de se démener par ses propres moyens. Les libéraux considèrent que le gouvernement doit trouver un emploi aux paysans, plutôt que de leur faire la charité. James Wilson, rédacteur en chef de "the economist" considère que nul ne doit subvenir aux besoins d'un autre. Peel fait livrer en Irlande des céréales importés des États-Unis pour que les paysans les cultivent et ainsi gagnent leur vie. Le message est clair, les pauvres doivent travailler s'ils veulent s'en sortir, aucune aide ne leur sera offerte. 
"Le travail doit être aussi rebutant que possible dans des limites humaines. Ce doit être le dernier recours avant de mourir de faim." extrait de l'amendement de 1847 à la loi sur les pauvres irlandais. 

1846: Peel essuie de vives critiques au parlement, il est perçu comme trop généreux notamment pour avoir allégé les taxes sur l'importation de céréales. Ce qui fait baisser le coût de l'alimentation. Peel est évincé de son poste de 1er ministre. Un autre libéral le remplace, John Russel. 
Fin Juillet, entre 80 et 90% des récoltes sont détruites par le même parasite. Les gens n'ont plus rien à se mettre sous la dent, les corps sont squelettiques. Même les corbeaux sont d'une maigreur extrême. En 1845, les paysans avant vendus bétail et outils agricole pour obtenir un peu de monnaie, ils ne leur restent plus rien à céder. Certains en viennent à manger des algues. La première cause de mortalité au début de la famine sont des maladies tels que le choléra ou le typhus. Elles se répandent plus facilement, les corps, les organismes étant fragilisés par le manque de nourriture. Certains politiciens cyniques se réjouissent du nombre croissant de morts en Irlande, ils voient là l'occasion de planifier l'après. Pour eux, la population irlandaise est trop nombreuse et trop pauvre, il faut la décimer pour moderniser le pays. 
En hiver, des milliers de personnes meurent chaque semaine, malgré cela, sans scrupules le libéral Russel rehausse le prix des céréales. Certains irlandais se tournent vers des emplois dans les travaux publics mais les salaires sont bas et les denrées alimentaires sont trop élevées. Le gouvernement diminue de 20% les revenus sur les chantiers. 

1847: Les travailleurs dépêchés sur les chantiers n'ont d'autres choix que de dormir dehors exposés aux caprices de la météo. Ils meurent à petit feu.
En France, aux Pays-Bas et en Belgique, la population n'est pas autant dépendante à la culture de la pomme de terre. Cependant la crise alimentaire est exacerbée par l'inflation faisant s'envoler le prix du blé. La famine fera des dizaines de milliers de morts. Néanmoins, les pouvoirs publics prendront des mesures qui amoindrissent les drames de la famine. En France, du pain est distribué gratuitement sur les chantiers. Le but est d'éviter de nouvelles révolutions.
Malgré la situation, les exportations de bœufs de l'Irlande vers l'Angleterre continuent, ce qui créé des tensions. Les travailleurs prennent d'assaut les villes et pillent des commerces. Ils sont déterminés à se faire entendre. Ces agissements ne préoccupent pas le gouvernement car depuis les années 1830, et des révoltes précédentes, la couronne a militarisé l'Irlande. De nombreuses casernes militaires s'y trouvent. Au total, 29 mille soldats britanniques sont de service en Irlande. Pour soutenir la population, protestants et catholiques ouvrent des soupes populaires dans tout le pays, ils collectent des fonds qui servent à acheter des vêtements et de la nourriture aux plus précaires. 
La pauvreté est de plus importante dans le pays, ne pouvant plus payer leur loyer ni travailler, beaucoup de pauvres sont expulsés de leurs modestes logements. Beaucoup de ces malheureux prennent la route, en espérant trouver de quoi se nourrir. Par peur que les maladies se propagent, des tensions s'installent. De nombreux larcins sont commis, des pillages se dénombrent dans toute l'Irlande. L'insécurité s'installe, certains agressent même leurs voisins, des meurtres parfois sont recensés. Ils piquent du bétail. Le patronat s'inquiète du sort des industries.
De nombreux journaux britanniques, mais pas seulement, illustrent dans leurs quotidiens le désastre humain causé par la famine. Les médias sensibilisent le monde entier au désastre que le peuple irlandais vit. Des dons des quatre coins du monde affluent vers le Royaume. Plus d'un million de dollars arrive des États-Unis, il est le don de la communauté irlandaise vivant chez l'Oncle Sam. Néanmoins, même si de nombreux dons arrivent, ce n'est pas suffisant, les irlandais peinent toujours à se nourrir. Maintenant que le sort des irlandais est mondialement connu, le gouvernement britannique se doit agir. Bien que conscient de la situation, le gouvernement se refuse à dépenser de l'argent public, et organise des soupes populaires en Irlande. Ces soupes seront financées par un impôt sur les propriétaires terriens. Hors, ils ne perçoivent plus leurs loyers et sont criblés de dettes, il leur est impossible de payer cette taxe. 
Trois millions de pauvres bénéficient de cette soupe populaire. En ce qui concerne les chantiers, ils ont été arrêtés. 
À l'été 1847, le mildiou ne commet aucun ravage. Hélas, les agriculteurs ont peu planté, ce qui fait que les récoltes sont maigres. Charles Trevelyan, ministre du trésor public, déclare, à tort, que la famine est terminé. Il annule toutes les aides. Les soupes populaires ferment, des millions de personnes se retrouvent abandonnées. Le parlement fait voter une loi considérant que si des fonds doivent levés, ce doit être avec des impôts locaux. Pour payer moins d'impôts, du fait qu'ils sont endettés, les propriétaires terriens expulsent des paysans de leurs terres louées. Cela leur permet de réduire la surface de leur terrain et donc de payer moins d'impôts. Les paysans refusent de quitter leurs modestes logements, bâtis de leurs propres mains ou de celles de leurs aïeux, surtout ils n'ont nulle part où se rendre. La police vient procéder aux expulsions.
Désespérés, un million d'irlandais se dirigent vers les maisons de travail. Ces centres sont un véritable enfer, les familles y sont séparées et ne peuvent se parler. Les enfants doivent, comme les adultes, travailler pour gagner leur pitance. Durant la famine, 200 000 personnes ont trouvé la mort dans ces maisons de travail, des maladies infectieuses se sont répandues. 
L'exode reste le choix de la dernière chance. Certains anciens propriétaires paient le billet de bateau en compensation. Mais la plupart doivent payer eux mêmes le ticket. Les adieux sont déchirants, ils savent qu'ils ne seront jamais. Les partants vont tenter de se construire une nouvelle vie, loin de leur Irlande natale. Un million et demi d'irlandais naviguent à destination des États-Unis. Ils sont 300 000 irlandais à poser bagages en Angleterre. Plus de 100 000 irlandais ayant tenter l'aventure Outre-Atlantique meurent durant la traversée, ils étaient malades au moment d'embarquer mais les examens médicaux n'étaient pas poussés. Aux USA, les irlandais exercent les professions les plus dangereuses, ils travaillent sur les ports et dans les chantiers. La plupart des femmes irlandaises deviennent domestiques.

1848: Le mildiou est de retour et continue son massacre. Face à la pénurie de nourriture, le cannibalisme va se répandre. Des mères vont être contraintes de manger leurs enfants, et parfois de tuer un enfant pour en nourrir d'autres. Les meurtres sont monnaie courante. L'année est marquée par un tsunami de révoltes dans toute l'Europe. À Paris, des irlandais sollicitent Alphonse de Lamartine, le chef du gouvernement français, suite à la chute de Louis-Philippe, il ne donne pas suite. Malgré tout, les irlandais continuent le combat. À leur retour sur leur île, ils brandissent, pour la première fois, leur drapeau national, vert-blanc-orange, inspiré du drapeau français. 
En Juillet, les prémices d'une révolution éclate, elle ne donnera rien. Les insurgés sont peu nombreux et l'armée britannique les neutralise sans difficulté. 

1849-1852: Lorsque de la crise de la famine se termine, certaines régions irlandaises ont perdu jusqu'à 50% de leur population. Le pays mettra un siècle pour s'en remettre totalement. La quatrième classe disparaît intégralement, de nombreux cas d'infertilités sont détectés dans tout le pays. Les historiens vont comparer cette terrible famine à un génocide. Certains n'hésiteront pas à considérer que le gouvernement à mené une politique de gestion de la crise voulant éradiquer les métayers qui représentaient, pour l'État britannique, un frein au développement. Un parallèle est réalisé entre les morts confondus en France, Belgique, Pays-Bas et Prusse ces quatre États ont été touchés durement par la famine pour leurs morts ne représentent que 10% du nombre de décès en Irlande. Durant la crise, le gouvernement britannique a dépensé près du double en budget militaire en Irlande que pour contrer les ravages de la famine, ce qui dit beaucoup de sa priorité. Les sévices de la famine réveilleront des envies d'indépendance en Irlande et à la fin du XIXème siècle, la diaspora irlandaise présente aux États-Unis récoltera des millions de dollars pour soutenir la lutte. 

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